L'innovation en entreprise : culturelle autant que technologique
Confrontées à des mutations multiples chez les consommateurs et à une concurrence mondialisée, les entreprises n'ont pas d'autres choix que d'innover. Ce qui ne veut plus dire « faire mieux », mais « faire autre chose". La différence est de taille! L’analyse de Christian Guellerin, directeur de l’Ecole de Design de Nantes Atlantique

C'est devant un parterre de chefs d'entreprises concentrés, que Christian Guellerin, directeur de l’Ecole de Design de Nantes Atlantique a décrypté les fondements d'une bonne innovation. Une soirée de réflexion, organisée par la CCI d' Ille et Vilaine, le 22 juin 2017 à Rennes.
Innover par le design, quesako?
Contrairement à une idée très répondue en France, le design ce n’est pas que du beau mobilier ! C’est une approche beaucoup plus large et indispensable de nos jours, pour toute entreprise qui veut survivre et se développer dans un monde en pleine ébullition. Chrisitian Guellerin, directeur de l’Ecole de Design de Nantes Atalntique a une formule très pragmatique pour décrire le design : « le designer se projette sur les façons dont on va vivre demain, il spécule sur de nouveaux usages, pour en faire de l’activité économique ; de manière à ce que les entreprises s’adaptent aux grandes mutations ». Concrétement ça peut ressembler à quoi ?
De la video... sur pierre tombale
A de la video et du son sur des pierres tombales ! Il y a quelques années, quand Christian Guellerin est démarché, ce projet semble fou. Son rôle, via le design, à l'époque : s’interroger sur les scénarios d’usages possibles autour de cette idée… qui bouscule le sacré. « Aujourd’hui, des maires de petits villages qui se meurent, nous contactent pour digitaliser leurs cimetières et les transformer en lieux touristiques, pour faire revivre la mémoire de poilus ou d’un personnage célèbre enterré en ces lieux! »
Innover par le design : voilà ce qu’on fait ces communes. « Le design, c’est une approche de projet. C’est se poser la question de faire autre chose, avec ce que je sais faire ».
Se maintenir dans la course
Faire autre chose, et non pas se contenter de faire mieux. Car le contexte concurrentiel a tellement changé en quelques années, que la simple amélioration des process ne suffisent plus, pour que les entreprises se maintiennent dans la course en tête. Pour Christina Guellerin, ce modèle capitalistique, qui a longtemps prévalu pour se démarquer de la concurrence n’est plus valide. « Aujourd'hui, si l'on se contente a minima de "faire mieux", on reste à la portée du premier chinois venu ».
Ne pas se laisser dépasser
Les mutations actuelles sont telles qu’elles ne laissent pas le choix aux entreprises : elles les obligent à changer . L’environnement, le vieillissement de la population, la mutation protéique avec les insectes, les très fortes mutations digitales, culturelles… « Demain, la voiture sans chauffeur induira un chef d’entreprise qui pourra y travailler et passera moins d’heures dans son bureau, donc des design différents; c’est le médecin qui vous appellera pour vous prévenir d’une maladie, alerté par un changement des données quotidiennes relevés sur des capteurs qui vous controleront quotidiennement… Dans de nombreux domaines, les bouleversments seront profonds, les responsabilités changeront de camp ». Il s’agit donc d’anticiper les design de demain.
En réponse aux chinois
Telle l’entreprise Rotodesign, fabricant de carters, dont la compétiticité vacillait sous les assauts de la concurrence chinoise. Conclusion des designers, qui a l'époque, se sont penchés sur le moribond : « avec votre connaissance du travail des polymères, arreter de fabriquer des carters – vous ne concurrencer jamais les chinois- et lancer vous dans la fabrication des meubles de jardin !" Dans un premier temps, tollé dans l’entreprise, on touchait au sacré : le cœur du métier! Jetant finalement ses réticences aux orties, Roto design est de venu "Qui est Paul" et s’est lancé dans une production nouvelle de meubles d’extérieur.
« Pour réussir un tel changement, il faut faire travailler et réfléchir les salariés ensemble ». Une donnée managériale essentielle selon Christian Guellerin. Réunir régulièrement les acteurs de l’entreprise et se poser la question de ce que sera le métier de chacun dans 5 ans. « Un mode de management cher à Apple, et qui lui réussit ! Ne pas hésiter à aller dans le sacré, le secouer, pour envisager son métier différemment, c'est à dire se mettre en posture d’accepter de faire autre chose ».
Le directeur de l’Ecole de Design de Nantes Atlantique reconnait qu’il est lui-même confronté à ce genre de défi. «Aujourd’hui à Nantes, avec la présence physique de 1300 élèves, préparons-nous à ce qu’ils soient répatis dans le monde entier, demain, comme cela existe déjà dans une école en Turquie, où l’école n’est plus qu’une grande antenne émetrice ! Comment préparer cela?...
Le marketing est KO
Il faut donc anticiper, pas le choix ! Pour certains métiers, c’est le coup de poing. « Le marketing est salement bousculé, il ne peut plus se baser sur l’obsolescence programmée, aujourd’hui irrecevable en terme environnemental. Les marchands de lave-linge et leurs équipes marketing, doivent revoir leur copie, sinon, ils sont morts dans quelques années ». Anticiper donc, passer du produit au service, changer de modèle.
« Le danger, c’est l’immobilisme ». Les chefs d’entreprises bretons, réunis à Rennes en ce début d’été par la CCI 35, auront apprécié l’analyse tranchée de Christian Guellerin. Et apprécié, à travers l'innovation culturelle - de posture- sont faible coût. Elle peut pourtant rapporter gros!